Les mineurs étrangers non accompagnés, enfants et adolescents migrants, sans titre de séjour ni responsables légaux sur le territoire, sont plusieurs milliers chaque année en Belgique. Ils fuient une situation de départ très souvent dramatique et arrivent dans notre pays au terme d’un trajet d’exil éprouvant parsemé de ruptures, de traumatismes, de privations et de violations des droits humains.
De nombreuses structures comme le centre El Paso (Gembloux) les prennent en charge à leur arrivée. En effet, les accords internationaux, notamment la convention internationale des droits de l’enfant, contraignent la Belgique à prendre en charge ces jeunes jusqu’à leur majorité. Pendant cette période de nombreux travailleurs sociaux, tuteurs et enseignants déploient une énergie considérable à construire et former ces adultes de demain et à les accompagner sur le plan de leur santé mentale, que leur séjour en Belgique se pérennise ou non.
A titre d’exemple, sur les 30 jeunes qui sont restés plus de 3 ans au centre El Paso depuis 10 ans, 24 ont obtenu un titre de séjour pérenne au cours de leur prise en charge et ce, à l’issue de ces péripéties administratives. Ce parcours semé d’embûches et de rebondissements les met dans un climat d’incertitude anxiogène constante et les empêche de se projeter dans l’avenir et de vivre le présent décemment.
Un parcours kafkaien
Le sort des plus jeunes est particulièrement préoccupant. Certains arrivent à une période pré-adolescentaire où des repères stables sont cruciaux pour leur construction identitaire. La législation actuelle leur impose tout au long de la période qui va de leur arrivée à leur majorité une série de démarches, d’entretiens, de recours, d’audiences, d’interviews pour tenter d’obtenir une régularisation. Et surtout des rendez-vous d’avocat, de tuteurs, à l’Office des Etrangers, au CGRA voire au Conseil du Contentieux des Etrangers se multiplient pour analyser leur situation et trouver une solution pérenne dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils sont maintenus dans un climat d’incertitude sans savoir quelle sera l’issue de cette procédure. Comment investir un centre, un tuteur, une scolarité quand le jeune adolescent ne sait pas s’il sera encore en Belgique à l’avenir ? Comment adopter un comportement irréprochable quand la Belgique vient de vous rejeter à nouveau et vous oblige à prouver une nouvelle fois la légitimité de votre présence ?
Des futurs adultes fragilisés
Nous construisons ainsi des jeunes adultes fragilisés, anxieux et instables dans le but de trier ceux qui obtiendront in fine le fameux sésame. Or, comme l’exemple repris ci-dessus l’illustre, la quasi-totalité des MENA qui arrivent avant 15 ans et qui restent dans le système éducatif (centre FEDASIL, et partenaires, ou structure Aide à la Jeunesse) de manière continue jusqu’à leur majorité finissent par obtenir une régularisation soit quand ils sont mineurs soit en tant que jeunes adultes. Pourquoi dès lors les confronter à des années d’errance administrative qui viennent grignoter le temps passé à l’école, avec leurs amis, à apprendre, jouer et s’épanouir ? Pourquoi les mettre dans une telle incertitude pendant tant d’années, si pour finir, ils obtiennent quasi tous leur régularisation ? Pourquoi dépenser l’argent public pour enquêter, analyser, juger des situations dont l’issue est presque toujours positive, au final, alors que les mêmes sommes pourraient être investies pour renforcer les équipes éducatives et psycho-sociales des centres d’accueil qui ont démontré leur efficacité ?
Adapter notre législation pour les plus jeunes
Nous ne pouvons ajouter à la maltraitance que leur destin leur a fait subir, une maltraitance institutionnelle.
Nous invitons donc nos responsables politiques à ajouter un alinéa à la loi « procédure MENA » du 12 septembre 2011 en vigueur actuellement, qui est venue modifier la loi du 15/12/80 et y insérer les articles 61/14 et suivants afin que tout enfant reconnu comme MENA en Belgique avant son quinzième anniversaire reçoive automatiquement une autorisation de séjour d’une durée d’un an, renouvelée systématiquement si sa situation ne change pas, avec la garantie d’obtenir une autorisation de séjour illimitée à l’issue de trois ans de prise en charge de manière continue en Belgique (soit dans le réseau FEDASIL soit dans le réseau « Aide à la Jeunesse », soit élevé par une personne de nationalité belge ou en séjour régulier en Belgique), et ce quelle que soit sa situation familiale.
Si le système français d’accueil des MENA présente certes des écueils il offre néanmoins, grâce à l’article 21-12 du code civil français, une garantie de séjour aux mineurs de moins de 15 ans, via l’accès automatique à la nationalité française s’ils ont été pris en charge de manière continue par l’Aide Sociale à l’Enfance ou par une famille française. Pourtant la France ne souffre pas d’un afflux supplémentaire de très jeunes MENA lorsque les statistiques sont comparées avec la Belgique (1) .
Offrons à ces jeunes, comme le prévoit la convention relative aux droits de l’enfant, une sécurité de base pour se construire, se projeter, et devenir des adultes plus solides investissant un projet scolaire, relationnel et professionnel construit dans la durée.
(1)Selon le rapport annuel du service des tutelles, en 2021 : 41.53% des MENA signalés avaient 15 ans ou moins en Belgique. Sur la même période, en France, selon les statistiques officielles (vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/28...) : 41.22% des MNA signalés avaient 15 ans ou moins.